Revue de Presse

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Journées Nationales de la Spéléologie : avec les nouveaux hommes des cavernes

L'Yonne Republicaine, édition du samedi 05 octobre 2002.

Mailly-le-Château. - Mal connue, la spéléologie sort de l'ombre, ce week-end. L´Yonne compte une trentaine de passionnés en quête de nouvelles cavités. Exploration.

Un petit matin blême, du côté de Mailly-le-Château (Auxerrois). Membres du Spéléo-Club de Chablis, Bruno Bouchard et Fabrice Giacometti enfilent leur combinaison jaune, leur casque, leurs bottes, préparent le matériel (cordes, mousquetons...) avant de s'enfoncer dans les replis calcaires de la grotte du Perthuis.

Au fond de cette grotte, le relief ne laisse pas le choix : il faut ramper, se faufiler, donner à son corps une élasticité de ver. Passé cet étranglement, un dégagement permet de se tenir debout, à quelques centimètres d'un puits profond de 10 mètres. Les faisceaux lumineux des casques éclairent vaguement ce trou béant.

Le temps d'assurer la sécurité, la descente en rappel peut commencer. Une fois en bas, le sol, spongieux, avale chaque pas. Une pellicule de déjections signale la présence de chauves-souris. Deux d'entre elles roupillent. Rêvent-elles ? « Il y a des traces de griffes sur les parois », signale Bruno. Traces d'un animal tombé dans ce puits et ayant tenté désespérément de s'en extraire ? « Il faudrait creuser pour voir si on ne retrouve pas des restes ».

Plus loin, un fossile est figé dans la pierre. « C'est peut-être un fossile de corail. La mer venait jusque-là, voilà plusieurs millions d'années ».

Deux clubs

Discipline confidentielle, la spéléologie, qui inaugure, ce week-end, ses premières journées nationales, regroupe dans L´Yonne une trentaine de mordus, au sein de deux clubs : le Spéléo-Club de Chablis et Yonne-spéléo, de Tonnerre. « C'est un sport ingrat, difficile, sale. On ne fait pas de la spéléo comme on fait du foot », prévient Bruno Bouchard. S'il poursuit cette activité entamée dès l'enfance, c'est parce qu´ « il y a toujours l'attrait de la découverte. On explore des puits, des galeries. On creuse pour voir s'il n'y a pas des prolongements, on cherche de nouvelles grottes ». Des recherches fructueuses puisque les trouvailles, à défaut d'être toujours spectaculaires, ne sont pas rares. « II y a 15 jours, nous avons ouvert une petite grotte, près de Voutenay-sur-Cure », confie Bruno Bouchard.

A quelques kilomètres de Voutenay, les majestueuses grottes ornées d'Arcy-sur-Cure sont les plus grandes du département, dont elles constituent l'un des pôles touristiques. « Nous avons répertorié quelque 400 grottes dans L´Yonne ; une quarantaine sont intéressantes », relève le spéléologue. Intéressant aussi le secteur de Bierry-les-Belles-Fontaines, où un gouffre de 30 mètres et plusieurs cavités ont été détectés ces dernières années.

Anciens

Ces découvertes peuvent être le fruit du hasard. Mais elles sont très souvent consécutives à un travail préparatoire. Les spéléogues étudient, en effet, le terrain, la nature des roches. Attentifs aux terriers, aux moindres anfractuosités, ils passent parfois au peigne fin les archives des communes, guettent des pistes dans les photos anciennes. Et s'entretiennent avec les anciens dont la mémoire conserve de précieux indices.

Hommes des cavernes du XXI siècle, les spéléos sont poussés par une soif de découverte, de sensations parfois très fortes. « Sous ferre, te corps réagit différemment », souligne Bruno Bouchard. « J'ai vu des gens craquer, tomber en larmes ». S'enterrer peut effrayer. D'autres se laissent émouvoir par l'étrange magie des lieux. Et goûtent avec gourmandise ces instants en dehors du temps. Les larmes qui brillent alors dans leurs yeux ne sont que les reflets des gouttelettes filtrant de stalactites en stalagmites. La boue n'a alors plus aucune importance.

Ludovic Berger.

Article mis en ligne le : 17 avril 2008