Revue de Presse

Arcy-sur-Cure dans les méandres de l´Histoire

L'Yonne Republicaine, édition du samedi 08 juin 1996.

Arcy-sur-Cure. - Il y a trois monuments à Arcy-sur-Cure : les grottes, le manoir du Chastenay et le comte Gabriel de La Varende, propriétaire des deux premiers.

Connues depuis toujours, visitées et étudiées depuis longtemps, les grottes n´ont révélé que depuis peu (1990 exactement) leur véritable richesse archéologique : des peintures à l´ocre et au charbon de bois réalisées par notre lointain ancêtre Cromagnon il y a près de 30 000 ans.

L´histoire est belle, exemplaire et... hasardeuse. Creusées dans les collines calcaires qui barraient le passage aux eaux tumultueuses de la Cure, les grottes d´Arcy-sur-Cure ont servi d´abri ou de refuge à l´homme depuis l´aube de l´humanité. Néanderthal s´y est déjà promené il y a 100 OOO ans, puis son collègue Cro-Magnon (un homo sapiens comme nous, celui-là), et à leur suite les hommes de l´âge du bronze, ceux de l´époque gallo-romaine, les Mérovingiens etc.

Au XIIè siècle, on s´y donnait des rendez-vous galants ; Ies naturalistes venaient admirer les remarquables concrétions formées par les dépôts calcaires. A la fin du XIXe siècle, l´abbé Parat, l´un des premiers archéologues dignes de ce nom, y menait les premières fouilles scientifiques. Quelques années plus tard, au début de notre siècle, la Grande Grotte s´ouvrait aux visites touristiques organisées.

Tout le monde n´avait d´yeux, alors, que pour ses stalagmites et ses stalactites, ses deux petits lacs souterrains et ses gours (vaguelettes calcaires formées par le ruissellement horizontal de l´eau).

A quelques centaines de mètres de là, pourtant, un beau jour de février 1946, un jeune amateur éclairé allait infléchir le cours de l´histoire. Poussant plus avant les recherches de l´abbé Parat dans la grotte du Cheval, il découvrait, émerveillé, une série de mammouths gravés dans la paroi. 17 années de campagnes de fouilles menées par l´archéologue André Leroi-Gourhan de 1947 à 1963 allaient dès lors établir la renommée archéologique d´Arcy-sur-Cure.

Pendant ce temps, dans la Grande Grotte, des milliers de touristes continuaient à défiler, piétinant le sol, raclant Ies parois, d´ailleurs enduites du noir de fumée déposé là depuis des siècles par les feux de bois et les flambeaux. Pour tout le monde, à commencer par le professeur Leroi-Gourhan, la Grande Grotte semblait à jamais perdue pour la science.

C´était compter sans le hasard... qui fait parfois bien les choses. Quelque temps avant que le comte de La Varende ne récupèrent « ses » grottes au terme de longues années de procès, le précédent propriétaire avait eu l´idée de faire décaper sans ménagement les parois au nettoyeur haute pression. Levant le nez vers la voûte, l´un des membres de l´association CORA, basée à Saint-Moré découvrit un jour des traces ocrées et des figurations animales.

En septembre 1990, deux préhistoriens de renom authentifiaient la découverte : ils étaient bien en présence d´un sanctuaire préhistorique orné de peintures pariétales le seul dans la moitié nord de la France, et l´un des plus importants de l´Hexagone.

Cinq campagnes de fouilles menées depuis par deux chercheurs du CNRS ont permis de relever plus de cent représentations : mammouths, bouquetin, rhinocéros laineux, ours, oiseau, main négatives et positives, signes simples ou complexes. La datation des restes de charbon de bois trouvés dans le sol est sans appel : moins 28 000 ans. Paléolithique supérieur, période solutréenne. Plus ancien que la plupart des peintures de Lascaux, en Périgord. Plus ancien de mille ans que celles de la grotte Cosquer, entre Marseille et Cassis. Presque aussi vieux que celles de la grotte Chauvet, en Ardèche.

Mais Lascaux est fermée au public pour toujours. Cosquer et Chauvet, elles, ne seront jamais ouvertes. Arcy, si. Deux fois par semaine, le mercredi et le samedi, tout le monde peut descendre dans l´une des plus anciennes galeries d´art souterraines du monde. Et se confronter, en direct, à la beauté du dessin au charbon de bois d´un bouquetin miraculeusement préservé. A l´empreinte d´une main apposée là il y a près de 30 000 ans. Aux origines de l´homme.

Bernard IMBERT.

Article mis en ligne le : 16 avril 2008