Revue de Presse

Un mammouth sous la fraise

L'Yonne Republicaine, édition du mercredi 23 juillet 1997.

Arcy-sur-Cure. - Des peintures pariétales dans la Grande-Grotte d´Arcy-sur-Cure : rien d'étonnant ! Mais pour la première fois, c'est grâce à une fraise diamantée de dentiste que les scientifiques ont dégagé le dessin à l'ocre rouge, vieux d&'environ 28 000 ans.

IL aura fallu toute l´infinie patience d´un scientifique d´Andorre pour mettre à nu le nouveau mammouth de la Grande-Grotte d´Arcy-sur-Cure. On savait la caverne ornée depuis 1991, année de la découverte du premier bouquetin. Aujourd´hui, ce n´est pas tant du mammouth dont le monde scientifique s´enorgueillit, mais de la technique originale qu´Eudal Guillamet a utilisée pour le faire apparaître.

Allongé sur le sol accidenté de la « mezzanine », dans un coin de la salle des Vagues - là où la grotte n´a pas été nettoyée, le scientifique andorran a, durant quatre jours, retiré minutieusement la couche de calcite opaque à l´aide d´une fraise diamantée de dentiste. « C´est la première fois qu´une telle technique est utilisée. Le spécialiste de haut niveau qu´est Eudal Guillamet - il a travaillé à la restauration du plafond de la grotte ornée de Rouffignac, en Dordogne, NDLR - a dégagé la peinture de sa gangue de calcite », explique le propriétaire des grottes d´Arcy-sur-Cure, Gabriel de laVarende.

Depuis 1991, les chercheurs du CNRS Michel Girard et Dominique Baffier avaient décelé dans la Grande-Grotte 130 unités graphiques. Certaines n´étant perceptibles qu´à l´aide de techniques utilisant les ultra-violets ou les infrarouges en raison de l´opacité de la calcite, on avait réalisé au printemps dernier des tests d´amincissement de la matière calcaire.

L´espoir d´un financement

Effectués sous le contrôle du laboratoire des Monuments historiques, financés par le service archéologique régional de Bourgogne, autorisés par le propriétaire des grottes, ces tests ont - par leur résultat - justifié le classement des cavités icaunaises au titre de « site archéologique d´intérêt national » en mars 1995.

Aujourd´hui, Michel Girard et Dominique Baffier n´hésitent pas à déclarer : « Cette intervention originale à la fois sur le plan technique et méthodologique fait naître de nouveaux espoirs pour l´étude de la Grande-Grotte, car on peut envisager maintenant, à condition d´obtenir un financement, un programme plus vaste qui permettra l´identification des figures restant pour l´instant illisibles. » Homme comblé, depuis hier Gabriel de la Varende ne se fait pas prier pour présenter aux médias « son » nouveau mammouth de 42 centimètres de hauteur sur 64 de large, peint à l´ocre rouge. « C´est très émouvant que d´admirer cette peinture. Il faut penser que c´est l´une des seules traces de manifestation spirituelle de l´humanité de la Préhistoire. Deux points rouges ont alerté les scientifiques : à cause de la calcite, I´animal était pratiquement invisible. Le souci de la conservation du tracé préhistorique obtenu par le maintien d´une couche de seulement quelques millimètres de calcite jaune et translucide procure l´impression que le dessin préhistorique vient d´être achevé hier alors que l´on peut raisonnablement situer son exécution à environ —28 000 ans. »

Véronique SELLES.

Article mis en ligne le : 16 avril 2008