Revue de Presse

Neandertal, le bijoutier d'Arcy-sur-Cure

Sciences et Avenir (sciav.fr), édition du mercredi 12 octobre 2016.

Une analyse originale de protéines confirme que la grotte aux bijoux d'Arcy-sur-Cure dans l'Yonne (Bourgogne) était bien occupée par des néandertaliens, il y a 40 000 ans.

Coquet, Neandertal ? On savait déjà qu'il se parait de serres d'aigle il y a 130 000 ans. On estime désormais qu'il y a 40 000 ans, il portait – et vraisemblablement fabriquait – de ravissantes breloques ou colliers ornés de dents d'animaux, de coquillages ou d'ivoire taillé (voir la photo). C'est ce que suggère une analyse de protéines découvertes dans la grotte d'Arcy-sur-Cure, en Bourgogne, et menée par des chercheurs allemands, britanniques, français et néerlandais sous la houlette de Jean-Jacques Hublin, de l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionniste (Leipzig, Allemagne) . La nouvelle est loin d'être futile, car la coquetterie supposée des néandertaliens de France, divisait en effet la communauté depuis près de 50 ans.

Depuis sa découverte, et surtout sa longue fouille par André Leroi Gourhan (entre 1947 et 1963) le site d'Arcy-sur-Cure est très discuté et nourrit la passionnante question de la transition entre néandertaliens et hommes modernes en Europe. En effet, il a été occupé à une période charnière de la préhistoire, il y a 40 000 ans, alors que les hommes modernes débarquaient d'Afrique et tandis que les néandertaliens –présents depuis plus de 200 000 ans sur le Vieux continent–, s'effaçaient... jusqu'à disparaitre.

La fin d'une querelle scientifique ?

Or, la grotte du Renne à Arcy a livré les fameux colliers mais aussi des outils en os, caractéristiques d'une culture appelée le Châtelperronien, du nom du premier site où cette culture a été identifiée. À Arcy-sur-Cure, les objets du Châtelperronien sont – une fois n'est pas coutume – associés à des restes fossiles d'hommes de Neandertal. D'où la querelle scientifique. Certains paléo-anthropologues, comme Dominique Baffier, attribuaient logiquement les outils et bijoux de la grotte du Renne aux néandertaliens. D'autres, comme Jean-Jacques Hublin ont longtemps estimé que les néandertaliens étaient incapables de fabriquer de tels objets et les avaient empruntés, troqués avec des hommes modernes. A la rigueur, certains chercheurs voulaient bien imaginer qu'ils avaient pu imiter le savoir-faire des nouveaux arrivants Homo sapiens. Comment expliquer que ce savoir-faire apparaisse soudainement chez les néandertaliens il y a 40 000 ans, au moment de l'arrivée d'Homo sapiens, artisan accompli, en Europe ?

La nouvelle publication apporte un argument en faveur des pro-néandertaliens. Matthew Collins, de l'université d'York (Royaume-Uni), Jean-Jacques Hublin, l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionniste (Leipzig, Allemagne) et leurs collègues ont utilisé une technique originale d'analyse de protéines pour étudier la composition chimique de restes humains découverts dans la grotte du Renne. « En combinant paléo-protéomique et paléo-génétique, nous avons pu prouver que des fragments d'os trouvés dans la grotte provenaient du crâne d'un enfant néandertalien en bas âge », explique Frido Welker, du Max Planck. Le séquençage d'anciens génomes de néandertaliens avait permis en effet de découvrir des protéines typiques de ces Homo. Celles découvertes à Arcy étaient très similaires, mais aussi caractéristiques des protéines de l'enfance. Conclusion ? C'est Jean-Jacques Hublin, qui en parle le mieux : « On peut imaginer toutes sortes de scénarios, mais l'explication la plus simple est que cet assemblage d'objets a été produit par des néandertaliens. On retrouve dans les mêmes niveaux, des “déchets de fabrication” d'objets en ivoire. Ces derniers ont donc été produits sur place.».

nc.

Article mis en ligne le : 08 novembre 2016