Revue de Presse

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Un fémur de renne préhistorique découvert à Arcy-sur-Cure

L'Yonne Republicaine, édition du mercredi 21 janvier 2015.

Le sol icaunais, dans ses couches préhistoriques, a livré, l'été dernier, un os de renne qui, après une étude minutieuse, a révélé son rôle « multi-usages ». Il a vite été baptisé « couteau suisse néandertalien ».

Le fémur gauche d'un renne préhistorique fait le buzz, outre-Atlantique, depuis quelques semaines. C'est une véritable effervescence autour de ce bout d'os exhumé en juin, l'an dernier, dans la vallée de la Cure, à Arcy-sur-Cure.

Un outil « à usages multiples »

Il faut dire que cette découverte, faite par l'équipe franco-québécoise dirigée par le Français Maurice Hardy, a de quoi dérouter celles et ceux qui croient dur comme fer depuis des décennies que Néandertal n'était pas capable de créer des outils innovants. Eh bien si ! Ces très lointains ancêtres bourguignons bien avant la lettre – avant qu'ils deviennent Homo sapiens –, savaient façonner la matière. Et créer des objets utilitaires.

Le jeune chercheur québécois Luc Doyon (doctorant au département d'anthropologie de l'Université de Montréal, membre de l'équipe de Maurice Hardy) est l'un des trois scientifiques (*) qui ont étudié sous toutes les coutures le bout d'os – vite baptisé « couteau suisse néandertalien » – et publié des articles dans les revues scientifiques françaises et canadiennes.

Joint à son laboratoire de Montréal, il explique ce que représente cette découverte faite sur le sol bourguignon. Et détaille l'utilisation de cet outil par l'homme de Néandertal.

Ce fémur de renne façonné par l'homme, dans la nuit des temps, a été baptisé « couteau suisse ». Qui l'a surnommé ainsi? Ce sont les médias canadiens ! Ce n'est d'ailleurs pas le terme que j'aurais employé. J'y préfère « outil à usages multiples », car rien n'indique que les deux usages ont été simultanés dans la même période. L'utilisation de l'os par l'homme préhistorique était plutôt opportuniste. Selon les besoins et les opérations à effectuer.

Quand avez-vous pu conclure qu'il s'agissait d'un outil à usages multiples? Après sa découverte en juin dernier, c'est Geneviève Potier-Bouchard, spécialiste de la faune dans l'équipe de la grotte du Bison, qui a observé des traces suspectes sur l'os, le 21 juillet. Elle m'a envoyé les photos. J'ai pu confirmer que ces traces correspondaient à des stigmates générés par des opérations techniques comme l'affûtage d'outils.

Quelles étaient les fonctions de cet outil? Racloir. Et retouchoir pour réaffûter le fil tranchant des outils en pierre ! Ce second usage génère des traces différentes, comme des arrachements de matière osseuse (petites perforations).

En quoi cette découverte est-elle exceptionnelle? D'abord, c'est la première fois qu'on observe sur le même fragment d'os deux fonctions différentes. Ensuite, parce que durant la majeure partie du XXe siècle, on pensait que Néandertal avait des capacités cognitives inférieures à Homo sapiens. Et que ça avait provoqué la disparition de Néandertal. La « modernité comportementale » qu'on réservait à Homo sapiens n'est donc plus son exclusivité. Cette découverte réduit l'écart comportemental entre sapiens et Néandertal.

J.F. Perret

Article mis en ligne le : 25 janvier 2015